News

Article sociétaire

Réception dans l’ordre de la Légion d’honneur du soldat Paul Canton

Publié le 28 mai 2024

Réception dans l’ordre de la Légion d’honneur du soldat Paul Canton

 

Monsieur l’adjoint-au-Maire de Pont-de-Claix, Monsieur le directeur de la résidence Irène Joliot-Curie, Mesdames et Messieurs, nous sommes réunis pour la cérémonie de réception de Paul Canton dans l’ordre de la Légion d’honneur, la plus haute distinction décernée par la République.

Merci Monsieur l’adjoint-au-Maire d’honorer par votre présence cet événement auprès de Paul Canton entouré de sa famille. Je salue également la présence du colonel Bernard Griet, président du comité sud-Isère de la Société des membres de la Légion d’honneur, et de Monsieur Vanplinreprésentant les anciens combattants des troupes de marine de l’Isère, avec leurs drapeaux.

 

La réception dans l’ordre obéit à un rituel qui marque l’entrée officielle au sein de l’ordre. Le général d’armée François Lecointre, Grand chancelier de la Légion d’honneur, m’a chargé de procéder à cette réception solennelle au cours de laquelle je commencerai parrappeler le parcours du décoré, ses valeurs et ses engagements, et les mérites éminents pour lesquels il a été distingué.

 

Cher Paul, aujourd’hui nous rendons hommage à un soldat, ancien résistant et ancien combattant d’Indochine. Vous êtes né à Paris le 31 mai 1923, et vous avez fêté vos cent ans l’an dernier. Vous avez vécu toute votreenfance à Bruniquel dans le Tarn et Garonne où sont vos racines maternelles. Et à l’âge de 17 ans, votre jeunesse est assombrie par l’immense défaite française du printemps 1940 et la signature de l’armistice avec le régime nazi de Hitler. Les troupes allemandes occupent une partie du pays mais le Tarn-et-Garonne appartient à la zone “libre”, en réalité dirigée par le gouvernement collaborateur du maréchal Pétain. Que faire dans ce contexte ? Alors que vous êtes à Grenoble, vous décidez de partir le 2 novembre 1942 à Toulon pour vous engager comme volontaire de l’armée d’armistice, etvous êtes affecté au 2e Régiment d’Infanterie coloniale basé à Carcassonne. Vous ne resterez pas longtemps engagé volontaire car le 8 novembre 1942 les alliés débarquent en Afrique du nord, et en réplique,toute la France est envahie, le 11 novembre, par l’armée nazie. Vous êtes démobilisé par décision des autorités d’occupation le 27 novembre. Puis vous serez incorporé aux Chantiers de Jeunesses de juillet 1943 à janvier 1944. Ce service obligatoire se substitue au service militaire et vous devez effectuer des travaux d’intérêt général dans la région de Thiviers en Dordogne. Votre service prend fin en janvier 1944 et vous rentrez à Bruniquel mais lorsque le débarquement en Normandie se réalise enfin, vous rejoignez le maquis de Cabertat, le 6 Juin 1944, près de Montauban. Le camp de résistants situé à Vaïssac est repéré par les Allemands qui mènent une attaque le 20 juin et vous participez à cette bataille : des fermes sont incendiées, 13 Allemands sont tués et 6 maquisards sont pris et exécutés.Le 15 août avec le débarquement en Provence, les troupes allemandes reçoivent l'ordre de se replier en direction du Nord-Ouest, et il en est de même pour la Milice qui abandonne Montauban. Après leur départ, les drapeaux fleurissent dans la ville en liesse, mais, rapidement, la rumeur court, qu'une colonne SS allemande se dirige vers Montauban. Le 19 août près 400 soldats Tchétchènes, Azéris, Mongols, encadrés par les Allemands se présentent aux portes de la ville. Durant les combats, 17 résistants de votre maquis tomberont mais la colonne allemande sera mise en déroute et ne traversera pas Montauban.Le 29 octobre 1944, vous êtes envoyé en mission à Verlhaguet ; et le 1er novembre 1944,en service commandé dans la forêt de Montech,vous êtes blessé par un éclat de grenade, ce qui vous vaudra une dizaine de jours d’hospitalisation à Montauban.

 

En février 1945, vous demandez à rejoindre le 4e Bataillon colonial d’Extrême-Orient basé à Toulouse. En juillet 1945 vous êtes affecté au 43e Régiment d’Infanterie coloniale à Grasse qui se prépare pour l’Indochine.Puis vous y êtes envoyé au début de 1946 ; il fait très froid sur le quai à Marseille, ce 16 janvier 1946, et vous embarquez pour deux années en Extrême-Orient. Les transports de troupes ne ressemblent pas à une croisière de luxe, même sur le célèbre paquebot Pasteur, car plus de 5000 hommes de troupes voyagent entassés dans la promiscuité et dorment sur des paillasses ou des hamacs dans les immenses cales du paquebot. Vous traversez la Méditerranée, puis passez à Port-Saïd en Egypte, avant d’entrer dans le canal de Suez, puis c’est Djibouti, Colombo et Singapour. Après 17 jours de trajet peu confortable vous arrivez au cap Saint-Jacques, pointe extrême du sud Indochinois.Dès votre arrivée, en février 1946,vous êtes dans le delta du Mékong :à Mytho et Vinh Long;vous participez aux combats de la Plaine des Joncs et aux opérations. Vous assurez la relève dans divers postes, ces structures militaires, sorte de fortins, qui assuraient la surveillance des routes et la protection des populations pendant la guerre d’Indochine, et vous devez faire face à des embuscades par les rebelles du Viêt-Minh dans le sud de la Cochinchine et sur la frontière du Cambodge.Lors d’une embuscade, le 7 septembre 1947, vous êtes grièvement blessé.Vous êtes pris en charge par l’antenne chirurgicale 406 et bien soignés par nos camarades du service de santé des troupes coloniales. Le capitaine Vallée, à la cellule de commandement de votre régiment demande que vous soit attribuée une citation à l’ordre de la division avec croix de guerre[1]. Alors permettez-moi de lire cette proposition considérant qu’elle a contribué à votre nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur : « Soldat dévoué et courageux. Faisant partie d’un convoi tombé dans une embuscade près de Than Hiep (Cochinchine) le 7 septembre 1947, a fait preuve d’un sang-froid remarquable, remplissant la mission de protection des véhicules qu’il lui avait été impartie. A été sérieusement blessé au cours du combat. »

 

Après presque deux ans en Indochine, en novembre 1947, vous êtes de retour en métropole sur le cargo Calais avec d’autres rapatriés sanitaires, puis vous êtes démobilisé et rendu à la vie civile le 19 mai 1948, à l’âge de 25 ans. Vous vous installezalors à Grenoble où sont vos racines paternelles ; vous fondez votre foyer avec Dolores, et vous exercez le métier de traceur reproducteur dans l’industrie métallurgique.Amoureux de la nature, vous passezvos vacances en famille à Saint-Maurice en Trièves pour des activitésde pêche, de jardinage et de cueillette des champignons, sans manquer chaque année des séjours à Bruniquel.Vous êtes le père de 3 enfants, puis la famille s’agrandit : 6 petits-enfants et 12 arrières petits-enfants, avec qui il vous est arrivé de partager vos souvenirs. Même si vous êtes restés toujours très pudique et humble, certainement en pensant à vos compagnons morts au combat,vos enfants et petits-enfants comprendront ce que vous fîtes pendant vos jeunes années.Votre petit-fils Cédric et son fils Kilian, dans une démarche audacieuse,oserontdemander directementau Président de la République la Légion d’honneur qui vient de vous être accordée. Quel beau témoignage de partage intergénérationnel et de transmission mémorielle !Le 26 Janvier 2023, le titre de « Reconnaissance de la Nation » vous est attribué pour votre participation à la seconde Guerre Mondiale, et le 10 novembre 2023 vous êtes nommé dans l’ordre de la Légion d’honneur.

 

Voici quels ont été les engagements de Paul Canton au service de la République. Mesdames et Messieurs, il faut souligner que remettre une légion d’honneur à un vétéran de la seconde guerre mondiale, c’est vraiment quelque chose d’incroyable. Aujourd’hui, cher Paul, la République est reconnaissante pour tout ce que vous avez fait. Nous allons donc procéder à votre réception officielle dans l’ordre national de la Légion d’honneur. Votre fils Jacques va s’avancer avec le coussin présentant votre décoration.

 

 Soldat de première classe Paul Canton, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la Légion d’honneur.

 

Merci à vous tous, et toutes nos félicitations au légionnaire que nous pouvons applaudir chaleureusement. Maintenant votre arrière-petit-fils Kilianva dire quelques mots avant que Monsieur l’adjoint-au-Maire prononce son discours au nom de la commune de Pont-de-Claix.

 

 

Dominique Vidal,

officier de la Légion d’honneur,

Président de la Société des membres

dela Légion d’honneur de l’Isère



[1]J’ai pu identifier dans la petite vitrine les barrettes à rubans dixmude d’une croix de guerre 39-45 et d’une médaille coloniale avec agrafe extrême orient. Les croix de guerre 39-45 ont été attribuées pour la guerre d’Indochine jusqu’en 47-48.